À propos de Nordine Kadri
Écrire la lumière comme un archer décrocherait ses flèches : entre la visée et l'acte, l'inspiration. Enfant de Vogue, collaborateur de Jean-Paul Gaultier ; Dominique Issermann pour l'initiation et Guy Bourdin la confirmation. Entre les deux : un parcours initiatique, empirique, riche. Hier en Amérique avec New York et Los Angeles pour résidence, aujourd'hui en France. Léa Seydoux et Vincent Cassel pour les portraits de grandes vedettes.
Les bons ouvrages à venir…
C’était aux heures de nos rondes de nuit, de nos interminables nuits. Du 7, de la rue Sainte-Anne au Palace, les Bains-douches, en passant par l’étape de l’incontournable Privilège… Il était du Paris noctambule des années chaudes, ce Maghrébin très jeune (espèce rare en ces lieux et en ces temps-là). Un ami, chorégraphe et danseur réputé, me l’avait présenté afin de lui mettre le pied à l’étrier. Il aspirait alors à devenir photographe et il allait le devenir. C’était évident.
C’est sans grand étonnement que nos chemins se seront croisés au gré des plateaux de prise de-vue, entre la Villa d’Alésia et le studio des frères Rouchon, du studio 44 à Clic-Clac. Je le revois encore, Nordine Kadri, le dos rond, penché au-dessus du pupitre lumineux de chez Publimod, l’œil rivé au compte-fil, jaugeant la qualité du grain sur une bobine-test shootées par Dominique Issermann, Jean-Baptiste Mondino ou Guy Bourdin dont il était l’assistant attentif. Compagnon et disciple à la fois.
Par la suite, au cours des années 90, nous nous sommes revus souvent à New-York. Nordine Kadri était alors aux côtés de Tiziano Magni, collaborant aux magazines du groupe Condé-Nast. Parfois nos chemins se croisaient à San Francisco, ville qui emportait notre faveur commune. Peut-être était-ce pour son climat méditerranéen ou son quartier torride ?
M’étant quelque peu éloigné de la photographie et plus encore du monde de la publicité, ce ne fut pas sans surprise que par un matin froid, le 10 octobre 2010 pour être exact, mon bon vieux téléphone fut subitement arraché à sa torpeur. Le numéro qui venait d’être composé était celui de mon studio dont je n’ai jamais pensé à résilier la ligne… Et bien m’en aura pris.
Au bout du fil, une voix gouailleuse et familière, c’était celle de Nordine Kadri que j’imaginais quelque part au soleil… à Monterey ou à Santa-Fé.
Le propos, respectueux par nature, confine toujours à la timidité. Il m’apprenait qu’il était « rentré à la maison pour faire le métier à Paris », à son propre compte et qu’il souhaitait me présenter son book, espérant m’entendre prodiguer quelque conseil.
Mais que dire à un professionnel aussi exigent dont je connais la réelle stature ?
Que Nordine Kadri est un photographe sûr dont les qualités surpassent l’humilité ? Qualités dont la mesure se prend à l’aune des talents certains dont il fut le collaborateur assidu.
Un « homme d’images » qui a autant œuvré à l’ombre des grands maîtres, ne pouvait que briller en passant à la lumière. Et Nordine Kadri en connaît un rayon, en la matière.